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aurait dû être si décisive ? Cette inertie, il faut d’abord l’attribuer à la conduite absurde, criminelle, de l’Assemblée nationale, tellement aveuglée par son égoïste amour de la royauté bourgeoise, qu’elle voulait innocenter la navrante trahison de Louis XVI, et replacer à tout prix, sur un trône qu’il désertait, ce roi parjure, lequel, intronisé de nouveau et malgré lui, devait forcément de nouveau conspirer avec ses complices de l’intérieur et de l’extérieur contre une constitution qu’il abhorrait, témoin le manifeste laissé par lui après son départ et signé de sa main. Mais ce qui surtout paralysa les aspirations républicaines du peuple, ce fut, sauf l’énergique attitude du club des Cordeliers, la mollesse, l’indécision, le manque d’initiative du club des Jacobins et du Club social, desquels le peuple attendait toujours l’impulsion aux jours de l’action, de même qu’il recevait de la presse patriotique son impulsion morale. Oui, fils de Joël, telle était encore la puissance de la tradition et du préjugé monarchiques, que, sauf Camille Desmoulins, Bonneville, Condorcet, Legendre et quelques autres en petit nombre (Robespierre croyait politique de dissimuler encore ses tendances républicaines), les révolutionnaires n’avaient pas encore conscience de cette vérité, que nous ne saurions trop répéter : — « Le gouvernement constitutionnel de 1791, si amoindrie, si subordonnée qu’y fût la royauté, était impuissant à défendre, à maintenir les conquêtes de la révolution. Le gouvernement avait son ennemi capital dans Louis XVI, chargé du pouvoir exécutif ; ce prince ne voyait-il pas, ainsi qu’il le disait dans son manifeste, la monarchie outragée, avilie en lui ? Enfin, les souverains étrangers devaient se coaliser, se coalisaient ouvertement depuis plusieurs mois, afin d’anéantir ce précédent d’un si funeste et si contagieux exemple pour leurs peuples : — le pouvoir royal soumis à l’omnipotence d’une assemblée bourgeoise élue par le suffrage universel ; — donc, seule, la république, en prenant hardiment, au grand jour, la cause des peuples contre les rois, et jetant, pour gage de défi et de combat, la couronne de Louis XVI, oui, seule,