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— Il a accepté ?

— Non…

— Il refuse ! — murmure M. Desmarais pâle et consterné ; — cependant, ce refus n’est peut-être pas irrévocable ?

— Saint‑Just ne revient jamais sur une détermination prise.

— Mais enfin… de ce refus puis-je connaître la cause ?

— Saint‑Just eût été heureux d’entrer dans votre famille, si, toutefois, mademoiselle Desmarais lui eût agréé, ce dont il ne voulait pas douter ; mais il pense que dans les graves circonstances où nous sommes, un homme politique doit, lorsqu’il le peut, rester libre de tous liens, afin de se consacrer entièrement à la chose publique.

— Peut-être aussi Saint‑Just pense-t-il que ma fille n’a pas été élevée dans des principes d’un civisme assez pur ; et, s’il me regardait comme un meilleur patriote, sa réponse eût été sans doute différente ?

— En vérité, mon cher collègue, vous êtes, permettez-moi de vous le dire, un homme singulier.

— Pourquoi cela ?

— À la Constituante, vous avez toujours voté avec l’extrême gauche ; aux Jacobins, je vous ai entendu proposer les motions les plus révolutionnaires ; vous votez avec nous maintenant à la montagne, et vous semblez toujours craindre que l’on suspecte la sincérité de vos convictions ?

— Moi ?

— Certainement.

— Et pourquoi aurais-je à craindre que l’on suspectât ma sincérité ?

— Ma foi, cher collègue, je vous répéterai ce que vous m’avez dit tout à l’heure : « Chargez-vous de la réponse. »

— En ce cas, la réponse est fort simple, mon cher Billaud : la révolution est et doit être pour ceux qui lui sont dévoués comme moi, âme et corps… la révolution, dis-je, est une maîtresse jalouse, ombrageuse, exigeante, et je crains toujours de n’avoir jamais assez