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causait la découverte du contenu de la caisse. Ce trouble, dont une âme loyale et droite ne devait pas même être effleurée, ne put échapper à la clairvoyance du commissaire de la section, homme de l’école de Marat, en ce qui touchait la pénétration et l’ombrageuse méfiance. Déjà il avait été surpris de la cruelle demande de M. Desmarais, au sujet de l’arrestation de sa femme. En homme avisé, le commissaire savait qu’en ces temps d’orages révolutionnaires, il faut presque toujours se défier des exagérés. Ces réflexions se révèlent sur la physionomie du magistrat et dans le regard fixe, froid et perçant que, pendant un moment, il attache sur l’avocat. Celui-ci se sent glacé jusqu’à la moelle des os ; il est au désespoir d’avoir peut-être révélé le secret de ses terribles appréhensions, il tâche de réparer cette funeste imprudence, et, par un effort de volonté surhumaine, il simule tardivement la parfaite indifférence qu’il aurait du tout d’abord éprouver, rejette dédaigneusement dans la caisse l’un des exemplaires de la proclamation qu’il venait de parcourir, hausse les épaules et dit froidement :

— Les royalistes sont encore plus insensés qu’ils ne sont scélérats ; évidemment ils comptent, par un audacieux coup de main, délivrer Capet, durant le trajet du Temple à la Convention, où il doit être conduit demain ; le comité de sûreté générale est sur la trace de ce complot : il n’importe, je ferai mon rapport au comité sur cette découverte faite, où cela ? … chez moi… — Et, souriant, l’avocat ajoute : — Vous avouerez, citoyen commissaire, qu’il est assez piquant de découvrir ces preuves de conspiration royaliste dans le domicile d’un montagnard de la Convention ? 


Le commissaire continue d’attacher en silence son regard scrutateur sur l’avocat, et lui dit sans répondre à sa question :

— Citoyen Desmarais, je dois dresser procès-verbal des objets contenus dans ce coffre, trouvé en votre possession…

— Déposé chez moi… oui ! mais non point en ma possession, diable ! Distinguo, — reprend l’avocat s’efforçant de sourire et sentant