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Mais l’avocat, ne trouvant pas d’abord, contre son attente, le commissaire dans la pièce voisine, fait quelques pas hors du salon, et il y rentre bientôt en compagnie du magistrat, homme d’une physionomie froide, rigide, défiante ; il est suivi de plusieurs gendarmes de la république et d’observateurs de police. L’un d’eux s’est saisi de la houppelande et du chapeau clabaud de M. Hubert, trouvés dans la salle à manger. L’avocat s’arrête au seuil de la porte et dit au commissaire :

— Citoyen, si j’avais un fils traître à la nation, je le livrerais moi-même au glaive de la loi ; mais je n’ai qu’un beau-frère… contre-révolutionnaire enragé, à offrir en holocauste à la patrie ; prenez-le, je vous le livre. Trop longtemps sa présence a souillé mon foyer républicain, et…

Puis, s’interrompant soudain et jetant autour de lui des regards stupéfaits et bientôt alarmés, l’avocat s’écrie :

— Eh bien ! où donc a-t-il passé ? …

— C’est à moi de vous le demander, citoyen représentant du peuple ? — répond le commissaire très-surpris et jetant sur l’avocat un regard soupçonneux. — Cette disparition est étrange ! …

— Malheur à moi ! — se disait l’avocat en frémissant, — ce commissaire est l’ami de Marat et Marat a l’œil sur moi ! — Puis, soudain il s’écrie tout haut : — Je devine. Ah ! que la foudre écrase ma femme ! elle aura fait évader son frère par sa chambre à coucher. L’escalier de service descend dans la cour, et de la cour ce scélérat aura gagné le jardin !

L’avocat court à la porte de la chambre, et y frappant à coups redoublés, il crie d’une voix haletante :

— Citoyenne Desmarais, je vous ordonne d’ouvrir à l’instant cette porte !

L’avocat, n’obtenant aucune réponse, se retourne ; et interpellant le commissaire occupé à examiner attentivement la caisse déposée dans le salon : — Citoyen, je vous somme, au nom de la loi, de faire