Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ajouter, sous le rapport de la naissance, est de tout point convenable pour M. de Saint‑Just. La réponse que Billaud‑Varenne m’apportera ce soir, sera, je l’espère, favorable…

— Mon ami, ma surprise est grande ; tu avoues toi-même la répulsion que t’inspire la voie révolutionnaire où tu es engagé malgré toi, et tu penses à donner ta fille à l’un des hommes de qui tous les honnêtes gens prononcent le nom avec horreur… Cette contradiction de ta part… me…

— … Il n’y a point là, ma chère, de contradiction ; tu vas le comprendre… Loin de moi la pensée de vouloir t’adresser un reproche, mais les faits sont des faits, j’ai le malheur (politiquement parlant, bien entendu)… j’ai le malheur d’avoir pour beau-frère un contre-révolutionnaire forcené, ancien chef du bataillon des Filles-Saint-Thomas, il s’est de plus, au 10 août, volontairement constitué l’aide de camp de Mandat, commandant la garde nationale, et que son admirable dévouement pour Louis XVI a désigné aux fureurs de ce peuple infâme… Voilà les détestables antécédents de ton frère…

— Il m’est bien pénible de t’entendre parler ainsi de lui…

— Encore une fois, ma chère amie, je ne t’adresse pas de reproches, mais il n’est pas moins vrai que Hubert est décrété d’accusation, et que sans doute, à cette heure caché à Paris, il complote contre la république. Tout ceci peut me compromettre de la manière la plus dangereuse, par ce seul fait que Hubert est mon beau-frère, car n’oublie pas cette terrible circonstance, — ajoute l’avocat Desmarais, frissonnant de nouveau, — Marat… a l’œil sur moi ; or, grâce à sa pénétration diabolique, cet être infernal a peut-être lu au fond de ma pensée l’exécration des actes dont la nécessité m’a rendu complice. Or, si Marat m’avait deviné, je serais en grand péril, et, seule, peut-être, l’influence de Saint‑Just, devenu mon gendre, pourrait me…

M. Desmarais est interrompu par Gertrude, qui, entrant dans le