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présentaient, se bornant à leur recommander de ne rien soustraire, de ne rien dévaster. Ces recommandations furent scrupuleusement observées. Nous avons été, ma sœur et moi, frappés de l’ordre incroyable qui présidait à cette étrange visite de milliers de curieux de toute condition, mais, en immense majorité, appartenant comme nous au populaire. L’on interrogeait les sentinelles placées dans l’intérieur du palais.

« — Mais par où et comment a-t-il pu filer… ce gros Veto ? — disait à nos côtés un artisan à l’un des factionnaires. — Il n’est pourtant pas capable de passer par le trou d’une serrure… celui-là ?

» — Nous n’en savons, ma foi, rien, citoyens ! — répondit la sentinelle. — Ce matin, nous avons été aussi surpris que vous en apprenant la fuite de l’exécutif. »

Nous avons vu dans la chambre de Marie-Antoinette, et tranquillement assise sur le lit royal, une marchande de cerises, son éventaire devant elle, et ne songeant qu’à son modeste commerce, sollicitant les acheteurs en criant :

« — Cerises de Montmorency ! qui veut des belles cerises ?

» — Quand les chats sont partis, les rats dansent ! » — criaient des enfants en dansant une ronde dans le grand salon, tandis que des gardes nationaux, décrochant des boiseries un portrait en pied de Louis XVI, tournaient la peinture du côté du mur en disant :

« — Va ! lâche ! va, traître ! tu n’es plus digne de voir la lumière du jour ! »

« — Vous n’avez pas su seulement garder le roi ! — disait à un factionnaire une des amazones des 5 et 6 octobre. — Vous, des hommes… vous le laissez s’enfuir… ce gros Veto, que nous, des femmes, nous avions ramené de Versailles !

» — Vous nous aviez fait là un joli cadeau, citoyennes ! — répondit le factionnaire. — Il n’y a, fichtre, pas de quoi vous vanter ! »

« — Moi, porter un bonnet de l’Autrichienne… fi donc ! » — disait, en foulant aux pieds un riche bonnet de la reine trouvé