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— … De sorte, — dis-je à M. Hubert, — que s’ils le rattrapent, voilà ce souverain réfractaire condamné à la royauté constitutionnelle à perpétuité… par les bourgeois ?

— Peu nous importe ! Nous abhorrons la république et nous la combattrons jusqu’à la mort ! — s’écrie M. Hubert. — Et s’adressant à moi, il ajouta : — Voilà sans doute une de ces journées où nous allons nous trouver face à face et en armes… citoyen Lebrenn ?… ainsi que je vous l’ai prédit le jour où, confiant dans les principes égalitaires de mon avocat de beau-frère, vous êtes venu naïvement lui demander sa fille en mariage… — Et M. Hubert ajoute d’un ton sardonique : — À propos, avez-vous des nouvelles de Charlotte ?

— Oui, citoyen… elle m’a fait avant-hier l’honneur de m’écrire de Lyon, où elle réside toujours…

— Quoi !… elle a l’audace de vous écrire ?

— Mademoiselle Desmarais a la bonté d’avoir très-souvent cette audace-là, et moi j’ai l’audace de lui répondre…

— Citoyen Lebrenn, mon couard de beau-frère a beau voter avec l’extrême gauche de la Constituante et, par peur, affecter des opinions populacières que sa conscience réprouve, Charlotte ne sera jamais votre femme… retenez ceci !

— J’attendrai, citoyen Hubert.

— Vous attendrez cela plus longtemps que les balles que nous allons vous envoyer, si vous tentez quelque chose aujourd’hui… — dit M. Hubert en s’éloignant.

Un flot de la foule nous entraîna, Victoria et moi, vers le château des Tuileries[1]. Les factionnaires, placés au pied du grand escalier, laissaient monter dans les appartements toutes les personnes qui se

  1. Nous avertissons, une fois pour toutes, nos lecteurs que tous les faits de ces récits (sous la forme de journal) sont d’une rigoureuse exactitude historique, et puisés dans tous les récits contemporains de la révolution, à quelque tendance d’opinion qu’ils appartiennent, et tous publiés par des témoins oculaires des faits. Tous les passages du dialogue qui sont guillemetés sont historiques.