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d’abord repoussés par le général Bouquet ; puis celui-ci, apprenant la retraite de Chazot et l’occupation de la Croix-au-Bois par les Autrichiens, craignant d’être pris à revers et coupé, se replie sur Châlons. Dumouriez, voyant ainsi les Thermopyles de la France au pouvoir de l’ennemi et son plan détruit, fit preuve d’autant d’audace que de sang-froid et d’habileté stratégique. Il quitte son campement dans la nuit du 14 septembre ; et, inaperçu des Prussiens, traverse la rivière de l’Aisne, coupe les ponts derrière lui, opère une savante retraite, et concentre ses forces dans le camp retranché de Sainte-Menehould ; sa défense, dans la forêt de l’Argonne, avait du moins retardé la marche de l’ennemi. La saison, en s’avançant, devenait mauvaise ; des approvisionnements de toute nature manquaient aux Prussiens. Dumouriez, en se maintenant à Sainte-Menehould jusqu’à l’arrivée des troupes de Kellermann et de Beurnonville, pouvait compter sur une victoire qui décidait de la campagne. Sa jonction s’opéra le 17 septembre 1792, et les forces de Dumouriez s’élevèrent à soixante-dix mille hommes, dont près de la moitié se composait de bataillons volontaires. Le 20 septembre, le duc de Brunswick attaque Kellermann à Valmy, afin de couper aux Français leur retraite sur Châlons. La canonnade s’engage vivement ; les Prussiens gravissent en colonnes profondes les hauteurs de Valmy pour s’emparer de cette position redoutable. Kellermann connaissait l’inexpérience des volontaires dans le maniement des armes et dans la manœuvre, mais il sentait de quels prodiges d’audace et d’héroïsme sont capables des citoyens résolus de mourir pour la défense de la patrie. Que fait-il en ce moment décisif, suprême, d’où allait dépendre peut-être le salut de la France ? Il donne l’ordre aux volontaires et aux soldats de ne pas tirer un coup de fusil, d’attendre l’ennemi de pied ferme, immobiles, et lorsque l’on sera presque corps à corps de le charger impétueusement à la baïonnette. De cette attaque foudroyante Kellermann donne lui-même l’exemple au cri de : Vive la nation ! répété par des milliers de voix palpitantes d’ardeur civique. Ces cris