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— Que diable aussi, mon voisin, entre nous, vous étiez dans votre tort tout à l’heure, — me dit le brave homme, qui, du seuil de sa porte, venait d’être témoin de la scène précédente. — Eh ! sans doute, vous étiez dans votre tort, quoique vous ayez cédé à votre bon cœur ! Mon Dieu, moi aussi j’ai bon cœur ! et tel que vous me voyez, je serais incapable de couper le cou à un poulet ! Pourtant je me dis : Ceux qui, en ce moment-ci, ont le courage (et je ne suis pas de ceux-là) d’aller purger les prisons, sauvent la patrie et notre révolution, en faisant peur aux royalistes, comme a dit M. Danton, en les empêchant ainsi de déchaîner la guerre civile sur toute la France et de se joindre à l’étranger pour la combattre. Hélas ! je dis comme vous : C’est bien terrible d’en arriver là ; mais, que voulez-vous, nécessité n’a pas de loi : il s’agit du salut de la nation, il s’agit de tuer ou d’être tué. Ma foi, dans ce cas-là, écoutez donc, chacun pour sa peau !

— Mais dame, oui, — ajoute, en reprenant son tricot, la portière, femme d’une figure débonnaire ; — et puis, à qui la faute ? Les ci-devant et les prêtres ne cessent de conspirer depuis trois ans et plus avec Veto et l’Autrichienne. Ils lancent les Prussiens, les pandours sur notre pauvre pays ; dame, écoutez donc, voisin, on se lasse, et il faut bien que, d’une manière ou d’une autre, tout ça finisse !

— Ma femme a raison ; et puis, voyez-vous, voisin, lorsque, depuis les sections jusqu’à la commune et à M. Danton, tout le monde dit qu’on doit purger les prisons, il faut que ça soit vrai ; tant de personnes ne s’accorderaient pas dans une seule et même pensée, si, au fond, ce n’était pas juste. Que diable ! tant d’honnêtes gens, et j’en suis, ma femme aussi, ne voudraient pas le mal ; il faut qu’il y ait quelque chose dans l’air, en vertu de quoi un chacun regarde comme une mesure, hélas ! malheureusement nécessaire, la purge des prisons. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J’ai cité ces paroles, fils de Joël, parce qu’elles sont la fidèle