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» Et la trace de leurs vertus.
» Bien moins jaloux de leur survivre
» Que de partager leur cercueil,
» Nous aurons le sublime orgueil
» De les venger ou de les suivre !
» Aux armes, citoyens ! formez vos bataillons !
» Marchons (marchons), qu’un sang impur abreuve nos sillons !

À ce patriotique appel, la plupart des citoyens qui, après la lecture du décret de la commune, s’étaient écriés : Aux armes ! — se sont joints aux volontaires… J’ai vu, entre autres, un homme dans la force de l’âge, les traits rayonnants d’ardeur civique, embrasser sa femme et ses deux petites filles qui l’accompagnaient, et les yeux pleins de larmes, s’écrier :

— Adieu, je vais vous défendre !

— Juste ciel ! tu ne peux partir ainsi… tout de suite ! sans argent, sans effets ! — répond l’épouse alarmée en retenant son mari, tandis que les deux enfants se saisissent de ses mains et tendent en larmes en s’écriant : — Père ! père ! ne t’en va pas !

Mais le patriote, embrassant de nouveau ses petites filles et sa femme, dit à celle-ci d’une voix entrecoupée : — Dans une heure, sois au champ de Mars avec nos enfants, en face de l’École militaire ; vous m’apporterez un sac de linge, une paire de souliers, de l’argent et mon fusil.

Et il disparaît dans les rangs des volontaires qui s’éloignent en continuant de chanter la Marseillaise.

J’étais encore sous la profonde impression de cet acte patriotique, lorsque j’entends lire à haute voix ce fragment d’un placard affiché, disait-on, par ordre des ministres :

«… Citoyens de Paris, vous avez des traîtres dans votre sein… Ah ! sans eux, le combat serait bientôt fini… »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Quels sont les traîtres ? — disait-on autour de moi. — Qui sont-ils ? sinon les royalistes cachés dans les repaires signalés par Gorsas.