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leurs vengeances sur Paris, abandonné à la merci de la contre-révolution par la levée en masse des patriotes courus aux frontières, laissant derrière eux leurs femmes, leurs enfants, leurs vieux parents…

Ceci posé, vous ne comprendrez que trop, fils de Joël, je ne dirai pas la nécessité… Jamais je n’admettrai la nécessité d’un crime, mais la fatalité des vengeances qui devaient forcément ensanglanter les journées des 2 et 3 septembre 1792.

J’extrais de mon journal ce lugubre récit.


journées des 2 et 3 septembre 1792.


Le 2 septembre, vers les onze heures du matin, je m’occupais chez moi de l’achèvement d’une serrure de sûreté, car, à ma demande, mon patron, le citoyen Gervais, me confie souvent des travaux que je puis accomplir sans sortir de ma demeure ; j’ai soudain entendu le retentissement du canon d’alarme, auquel se joignaient le tintement précipité du tocsin et le roulement des tambours battant le rappel et la générale. La nouvelle de la prise de Longwy par les Prussiens, se répandant la veille dans Paris, avait jeté une consternation profonde et surexcité, enflammé les passions populaires, déjà bouillonnantes depuis l’acquittement des complices de Louis XVI, innocentés par la haute cour d’Orléans, et depuis la découverte des criminels projets attribués aux suspects détenus dans les prisons.

Au bruit des tambours battant le rappel, j’ai quitté mon travail de serrurerie, je me suis revêtu en hâte de mon uniforme de garde national, afin de me rendre à ma section (section des Piques, autrefois de la place Vendôme). J’allais entrer dans la chambre de Victoria, pour lui dire adieu, la croyant occupée chez elle à coudre, selon ses habitudes laborieuses, lorsque je l’ai vue revenir du dehors. Un instant surpris, presque effrayé de l’expression farouche de ses traits, je lui dis après un moment de silence :