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soldats, résistance devenue sans autre but que le carnage, puisque, avant le combat, Louis XVI avait abandonné les Tuileries.

Le bruit de ces incroyables acquittements circule bientôt à Paris. L’indignation publique se manifeste si énergiquement, que le comte de Montmorin et le colonel Bakman, malgré leur acquittement, furent incarcérés de nouveau par ordre de la commune, en vertu de la loi rendue par l’Assemblée contre les suspects… Cette mesure ne calma pas le courroux et les appréhensions populaires ; ces criminels n’avaient-ils pas été déjà non-seulement incarcérés, mais jugés ? Or, de ce procès, qu’était-il résulté ?… Leur acquittement scandaleux. Ce n’est pas tout : les prisons, remplies de suspects, royalistes déclarés, sollicitant les souverains étrangers à l’envahissement de la France ; les prisons peuplées surtout de prêtres réfractaires, prévenus d’excitation à la guerre civile, devenaient un foyer permanent de conspiration. L’on y découvrait une fabrique de faux assignats émis en masse, grâce aux intelligences des prisonniers avec les contre-révolutionnaires du dehors, manœuvre infernale tendant à jeter la nation dans une crise financière désastreuse, en discréditant le papier-monnaie, devenu le signe presque général des échanges. Enfin, l’on ne pouvait douter de l’horrible entente des aristocrates et des prêtres prisonniers avec les bandits, leurs compagnons de captivité. Ce concert a été révélé par un fait que les journaux de toutes les opinions ont dernièrement rapporté ; ce fait, le voici :

« Le 29 août 1792, un meurtrier, condamné aux galères, a été attaché au carcan sur la place de Grève. La foule s’amasse et entend le brigand s’écrier :

« — Vivent les Autrichiens ! vivent les Prussiens ! vivent nos libérateurs ! vive le roi !… vive la reine !… »

Ce chaleureux ami des Autrichiens, des Prussiens, de Louis XVI et de Marie-Antoinette sortait des prisons. Il eût été mis en pièces par la foule exaspérée sans les efforts de la gendarmerie nationale, rangée aux abords de l’échafaud ; mais l’espoir sauvage de ce bandit,