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Le secret des journées de septembre est presque tout entier dans ces paroles de Pétion… La légitime attente du peuple fut trompée… Les tribunaux se montrèrent indignes de leur mission en absolvant des criminels avérés. Alors le peuple, je le répète, d’autant plus irrité qu’il s’était montré plus magnanime envers ses ennemis vaincus, se fit justice lui-même… Acte déplorable, surtout en cela qu’il s’exerçait sur des prisonniers, presque tous grandement coupables, il est vrai, mais sans défense… mais privés de toutes les garanties dont la loi entoure le jugement, la condamnation des plus grands scélérats ; parce que ces garanties consacrent, aux yeux du monde, la légitimité de leur jugement, de leur condamnation.

Oui, cet acte de vengeance populaire fut déplorable, mais il fut invinciblement provoqué, non-seulement par un monstrueux déni de justice, mais par un concours de circonstances si menaçantes, si terribles, qu’elles durent jeter la population de Paris dans une sorte de furieux vertige.

Ces circonstances, les voici :

Après la victoire du 10 août, dont les conséquences furent la déchéance de Louis XVI, son emprisonnement au Temple, la convocation d’une Convention nationale qui devait proclamer la république et instruire le procès du ci-devant roi, Paris attendit d’abord avec le calme de l’espérance ces grands événements ; l’on comptait aussi sur le prochain jugement des complices des flagrantes trahisons de Louis XVI, renvoyés par-devant la haute cour nationale d’Orléans… Or, qu’arriva-t-il ?… La haute cour d’Orléans acquitte scandaleusement les prévenus, malgré leur évidente culpabilité ; entre autres le comte de Montmorin, ancien ministre des affaires étrangères, et complice avoué de la fuite de Louis XVI et des conséquences qu’elle devait avoir à cette époque : l’invasion de la France par les armées des despotes coalisés. La haute cour acquitte encore entre autres le prince de Poix, contre-révolutionnaire exalté ; Bakman, colonel des Suisses, l’un des instigateurs de la résistance acharnée de ces malheureux