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cris de : Vive la nation ! — Cette scène touchante et grandiose, où se révèle de nouveau la générosité du vrai peuple après la bataille, émeut profondément l’Assemblée. Des bravos retentissent encore après le départ des patriotes. L’agitation se calme, le silence se rétablit.

« mailhe, à la tribune. — Je viens de haranguer le peuple ; il est disposé à entendre le langage de la justice et de l’humanité. Ce n’est donc pas lui qui est à craindre, non ! Ce qu’il faut craindre, c’est que de perfides conseillers ne l’égarent en réveillant ses colères… J’ai tout à l’heure reconnu dans la foule, mêlés à un groupe d’hommes à figures patibulaires, des aristocrates déguisés, qui poussaient ces bandits à demander la tête des Suisses.

» bazire. — De généreux citoyens viennent de partir afin d’aller sauvegarder ces malheureux et de les amener dans les bâtiments de l’Assemblée.

» mailhe. — En ce cas, je propose que les Suisses ne sortent de cette enceinte que lorsqu’ils pourront, sans danger pour eux, être conduits en lieu de sûreté. (Adopté. — Adopté.)

» lacroix. — Je demande qu’il soit établi aujourd’hui même une cour martiale, chargée de juger les Suisses et leurs officiers. Elle discernera les innocents des coupables… Cette mesure calmera les défiances, l’irritation du peuple. Il aura créance que justice sera faite, et il respectera, il protégera la vie des Suisses. »

La motion de Mailhe venait d’être adoptée, lorsque l’on entend un grand tumulte au dehors de l’Assemblée… le bruit s’approche… et j’ai été de nouveau témoin de l’une de ces scènes touchantes, sublimes, qui illustreront à jamais cette immortelle journée du 10 août 1792 !

Le vaste espace réservé derrière la barre aux députations qui s’y présentaient, est soudain rempli par les patriotes, de retour du bâtiment des Feuillants ; ils s’y étaient portés en hâte, afin de protéger les Suisses prisonniers exposés aux fureurs provoquées par Lehiron et sa bande. À ces égorgeurs s’était joint sans doute le jésuite Morlet et d’autres contre-révolutionnaires, si j’en juge d’après le rapport