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« — Législateurs ! les soldats suisses arrêtés dans la journée, par les ordres de l’Assemblée, ont été placés dans le bâtiment des Feuillants ; une bande de scélérats, conduits par une espèce de géant, excite le peuple à demander la tête des Suisses prisonniers ; cet égorgeur les appelle les assassins de ses frères ! J’ai pris part à l’attaque des Tuileries, j’affirme que la plupart des Suisses sont innocents… Ils ont été, comme nous, victimes d’une infâme trahison des royalistes. J’affirme encore qu’avant la fatale méprise, cause de cette lutte acharnée, je les ai vus résister aux ordres de leurs officiers, se séparer du gros de la troupe et crier : — Vive la nation ! — Ceci, encore une fois, je l’affirme… je l’ai vu.

» voix nombreuses, dans les tribunes. — Nous aussi… nous aussi… nous sommes témoins du fait !

» l’orateur. — Il faut sauver ces malheureux soldats ; leur massacre déshonorerait la sainte insurrection du 10 août ! !

» — Oui, oui, la bataille est finie ! ! Ces soldats sont pour nous des frères ! — s’écrient des citoyens des tribunes armés et coiffés du bonnet rouge. — Ceux qui veulent massacrer les Suisses sont des brigands, des lâches… Ils ne se sont pas battus, ceux-là !

» l’orateur. — Je vous prie, monsieur le président, d’inviter les braves sans-culottes des tribunes qui viennent de m’applaudir de venir avec moi parler au peuple. Il entendra de leur bouche le langage de la raison. »

Cette proposition de l’orateur est accueillie par les applaudissements des sans-culottes des tribunes. Ils se lèvent spontanément et agitant leurs sabres, leurs piques, leurs fusils, ils s’écrient : — Marchons… allons sauver ces soldats ! — Les bravos universels de l’Assemblée encouragent la généreuse résolution des patriotes. Ceux-ci quittent en hâte les tribunes, et bientôt ils apparaissent en foule à la porte qui conduit à la barre.

« — Allons, amis, suivez-moi !! Nous allons faire une bonne action ! — s’écrie l’orateur, et il sort avec les sans-culottes aux