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troduite à la barre ; plusieurs sont blessés. L’orateur de la députation :

« — Législateurs ! nos camarades nous ont chargés de vous déclarer que, s’étant rendus ce matin sur la place du Carrousel pour y protéger la demeure du premier fonctionnaire de l’État, nous n’avons employé nos armes contre les défenseurs du château qu’après avoir été fusillés d’une manière indigne par ces mêmes fenêtres d’où un roi fanatique fusillait lui-même son peuple pendant la nuit de la Saint-Barthélemy… (Applaudissements dans les tribunes.) Nous ne regrettons pas nos dangers, nous les avons courus pour le salut public. Législateurs, soyez fermes à votre poste, vous avez la patrie à sauver ; nous jurons dans cette enceinte que nous sommes prêts à mourir pour vous défendre, pour maintenir vos décrets et exterminer tous les contre-révolutionnaires extérieurs ou intérieurs ! »

L’orateur des canonniers, en prononçant ces derniers mots d’une voix éclatante, a désigné d’un geste menaçant la loge royale, vers laquelle se tournent de nouveau tous les regards. Marie-Antoinette berce sur ses genoux son enfant qui s’est endormi. Louis XVI continue de manger des pêches et les arrose d’un coup de vin qu’il boit dans un grand gobelet d’argent.

« montaut, à la tribune. — La déclaration des citoyens canonniers vous prouve que ce sont les Suisses qui ont provoqué la vengeance du peuple.

» un fédéré breton, qui se trouve à la barre parmi les canonniers. — Les Suisses ont été comme le peuple victimes d’une trahison… J’étais là… j’ai tout vu… mon frère… est… mort… dans… mes bras… et… »

Les larmes étouffent la voix du fédéré breton ; il est obligé de s’interrompre. Tous les yeux s’attachent sur lui. Il porte le costume national de son pays : longue veste poire et larges braies blanches ; elles sont serrées à la taille par une ceinture rouge, où l’on voit encore un paquet de cartouches ; ses longs cheveux tombent sur ses