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où l’on voit écrit : liberté, égalité, fraternité. L’orateur de la députation s’écrie d’une voix palpitante :

« — Citoyens ! le peuple est vainqueur ! Après des prodiges d’héroïsme, il s’est emparé des Tuileries ! ! Vive la nation ! ! »

La majorité des représentants se lèvent et répètent avec enthousiasme : — Vive la nation ! — La joie, l’exaltation patriotique des tribunes, touchent au délire. J’entends une femme placée près de moi s’écrier dans l’admirable élan de son civisme :

« — Le peuple est vainqueur ! ! Ah ! si mon mari et mon fils ont péri dans la lutte ! ! mon deuil sera éternel comme ma gloire ! mon fils et mon mari seront morts pour la liberté ! ! »

La victoire du peuple a jeté la famille royale dans une consternation profonde ; Louis XVI, anéanti, baisse la tête, s’affaisse, se replie sur lui-même, appuie ses deux coudes au rebord de la loge et caché sa figure entre ses mains ; sa sœur, madame Élisabeth, étouffe ses sanglots dans son mouchoir ; Marie-Antoinette, redevenant mère en cet instant suprême, serré convulsivement le dauphin contre sa poitrine, le couvre de larmes et de baisers. Un pressentiment dit sans doute à la reine que son enfant ne doit pas régner… Le mouvement maternel de l’Autrichienne émeut le public des tribunes, malgré l’aversion méritée qu’elle inspirait, et une voix de femme, s’adressant à la reine, lui crie :

« — C’est ta faute, Marie-Antoinette, c’est ta faute ! ! Si toi et ton mari vous n’aviez pas depuis deux ans toujours conspiré… si vous aviez loyalement accepté la constitution… vous seriez encore aux Tuileries… et tu ne pleurerais pas sur ton fils… c’est ta faute… Marie-Antoinette… c’est ta faute ! »

La séance, jusqu’alors si diversement, si profondément agitée, reprend un calme relatif ; la victoire du peuple a tranché la question ; les représentants regagnent leurs places. Le président agite sa sonnette. Un profond silence règne dans la salle.

« le président. — J’engage l’Assemblée, ainsi que le public des