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mission de paix, il n’en aurait pas eu le temps… La victoire était décidée… mais de quel côté ?… Quels étaient les vainqueurs ? Les sectionnaires ou les régiments suisses ?… Terrible alternative ! Elle domine tous les esprits ! ! En présence de cette incertitude effrayante, le tumulte, à son comble quelques minutes auparavant, s’apaise soudain presque de soi-même… Une oppression poignante pèse sur toutes les poitrines, étouffe les voix, paralyse les mouvements… un morne silence règne dans les tribunes !… dans l’Assemblée… Les royalistes sentent que si l’insurrection est victorieuse, c’est fait de Louis XVI et de la monarchie. Les républicains et les tribunes songent que le triomphe des troupes royales porterait un coup sinon mortel, du moins funeste à la révolution, en hâtant la marche des armées coalisées prêtes à envahir nos frontières ouvertes… Marie-Antoinette, toujours prompte à s’enivrer d’une criminelle espérance, et incapable de cacher ses ressentiments, croit sans doute le combat terminé à l’avantage des troupes royales, car son attitude, sa physionomie, révèlent si audacieusement sa pensée secrète, que le public des tribunes, exaspéré, éclate en cris furieux ; des hommes, des femmes, montrent le poing à la famille royale, et elle peut entendre ces imprécations :

— Si les sectionnaires sont vaincus nous les vengerons ! — Oui ! oui ! — Nous exterminerons Veto et l’Autrichienne ! — Ils ne sortiront pas vivants d’ici !

Tout à coup le roi pâle, épouvanté de ces menaces, se lève, et s’attachant de ses deux mains au grillage de la loge, il s’écrie d’une voix entre-coupée :

« — Monsieur le président… monsieur le président ! ! dites donc à l’Assemblée, dites donc aux tribunes que je viens de donner l’ordre aux Suisses de cesser le feu ! »

Au milieu de l’agitation causée par cet incident, l’on voit entrer une députation des membres de la nouvelle commune de Paris. Ils accourent à la barre accompagnés de citoyens portant une bannière