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que cette coiffure n’attirât dangereusement l’attention sur lui pendant le trajet des Tuileries à l’Assemblée ; il venait d’ailleurs d’être reconnu par la foule. Elle ne lui avait pas épargné les reproches, les imprécations, mais avait respecté sa personne. Ses traits bouffis, empourprés par la chaleur et par l’émotion, luisants de sueur, exprimaient un mélange de frayeur et d’irritation sournoise ; son obésité rendait sa démarche pesante et embarrassée ; derrière lui s’avançait Marie-Antoinette, donnant le bras au comte Dubouchage, ministre de la marine, et tenant par la main le dauphin. Tremblant, effaré, l’enfant se serrait contre la robe de sa mère, qui, pâle et fière, plus courroucée qu’effrayée, s’avançait d’un pas ferme, jetant autour d’elle un regard de hardi dédain. Elle précédait la sœur du roi, madame Élisabeth, appuyée au bras du ministre des affaires étrangères, Bigot de Sainte-Croix ; elle se soutenait à peine, et cachait dans son mouchoir sa figure baignée de larmes. Venait ensuite la marquise de Tourzel, gouvernante des enfants de France, donnant le bras au major d’Hervilly, l’un des officiers du roi ; enfin venait la belle princesse de Lamballe, l’amie intime de la reine, accompagnée d’un autre seigneur de la cour.

L’imposant silence qui règne dans l’Assemblée est soudain troublé ; plusieurs officiers des cent-suisses, l’épée à la main et suivis de leurs soldats armés de fusils, veulent pénétrer de force dans la salle à la suite du roi ; les huissiers s’opposent à cette invasion. Ils sont culbutés. Déjà deux capitaines des cent-suisses franchissent, l’épée nue à la main, le seuil de l’enceinte, lorsque tous les représentants se lèvent avec indignation en s’écriant : « — Sortez ! sortez ! pas de soldats ici ! »

Les membres du bureau, et quelques représentants, se jettent au-devant des militaires, leur barrent résolument le passage, et les somment énergiquement de ne pas violer le temple de la loi. Les officiers hésitent, lorsque le comte d’Hervilly accourt et leur dit : « — Messieurs, le roi vous prie de vous retirer. — Nous obéissons