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suites les plus graves ; les officiers auxquels elles venaient d’être adressées entraînèrent à l’instant leurs bataillons et ils allèrent parmi les sectionnaires prendre position sur le Carrousel avec deux canons. Un instant après, j’entendis un seigneur de la suite de la reine dire à un officier du bataillon des Thermes de Julien : — Allons, messieurs de la garde nationale, voilà le moment de montrer du courage. — C’est contre vous que nous allons en montrer, — a répondu l’officier avec colère, et bientôt son bataillon est allé se mettre en bataille sur la terrasse du bord de l’eau, occupée par les canonniers de la Croix-Rouge, du Finistère et du Panthéon, qui déjà mettaient leurs canons en batterie contre les Tuileries. La majorité de la garde nationale se range donc du côté des sectionnaires ; mais les régiments suisses, retranchés avec une forte artillerie dans les différentes cours du château et dans son intérieur, dont les fenêtres leur servent de meurtrières, y présentent une défense formidable. J’ai entendu l’un des colonels des Suisses dire qu’eux et leurs soldats périraient jusqu’au dernier, plutôt que de se rendre… J’ai aussi remarqué que… »

Le juge de paix est interrompu, sa voix est couverte par le bruit d’un grand tumulte, qui s’élève au dehors de la salle dans la cour du Manége ; l’on entend des clameurs de plus en plus rapprochées. Un grand nombre de députés se lèvent ; quelques-uns, ne paraissant pas doués du courage civique, descendent précipitamment de leurs bancs et s’écrient avec frayeur : « — Le peuple envahit l’Assemblée ! » — Tandis que plusieurs de leurs collègues, s’adressant indignés à ceux qui viennent de quitter leurs bancs : — « Restez à vos places ! — Sachons mourir, s’il le faut, à notre poste ! » — L’agitation est à son comble dans les tribunes et dans la salle. En vain, le président agite sa sonnette, conjurant ses collègues de regagner leurs bancs ou de se rasseoir ; ses admonitions n’étant pas écoutées, il se lève et se couvre. Les clameurs du dehors se rapprochent de plus en plus. Quelques huissiers accourent. L’un d’eux, gravissant