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nation ; cependant, quelques-uns ne cachent pas leur colère et leur espérance de voir l’insurrection anéantie par la défense formidable préparée aux Tuileries ; mais, en somme, royalistes et constitutionnels sentent que l’heure suprême de la monarchie va sonner. Le centre, indécis et flottant, paraît craindre la violente invasion de l’Assemblée par le peuple. Enfin, la gauche, et surtout l’extrême gauche, témoignent hautement de leurs vœux pour le triomphe de l’insurrection, nécessité suprême, à laquelle, par son refus de proclamer la déchéance de Louis XVI, la majorité de l’Assemblée réduisait les sections de Paris.

Tout à coup, un député entre vivement dans la salle, court à son banc, placé à droite, et, les traits bouleversés, il s’écrie d’une voix tremblante d’émotion :

« — Les Tuileries vont être attaquées… les sections en armes garnissent tous les abords du château… Une portion notable de la garde nationale, principalement ses canonniers, fraternise avec les sections !… Des canons sont braqués contre le château ; les troupes qui le défendent sont décidées à une lutte désespérée ; le sang va couler… la vie du roi et de sa famille n’est plus en sûreté !… »

Profonde sensation. L’Assemblée garde pendant un moment un silence solennel. Chacun sent l’imminence de la crise… le moment de la bataille est arrivé ; les vieillards, les femmes, les jeunes filles des tribunes songent avec anxiété, dans un muet recueillement, que ceux qui leur sont chers vont prendre part à un combat acharné. Un député de la droite se lève, et d’une voix altérée :

« — Je demande qu’une commission soit nommée à l’instant, afin d’aller engager le roi et sa famille à se rendre au sein de l’Assemblée.

» le président. — Il n’y a pas à délibérer sur la proposition qui vient de vous être faite. La constitution laisse au roi la faculté de se rendre au sein de l’Assemblée lorsqu’il le trouve convenable… »