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Louis XVI toujours impassible, ne faisant pas même allusion aux demandes formelles qu’on lui adressait ; témoignant ainsi de son inexorable résolution de ne rien accorder au vœu public.

Bientôt Pétion, nommé depuis peu maire de la commune de Paris, entre dans la galerie, et, s’adressant à la foule :

« — Citoyens, vous venez de faire connaître vos vœux au représentant héréditaire de la nation. Vous ne pouvez en faire davantage ; le roi verra dans le calme de la réflexion à quoi il jugera convenable d’aviser. Maintenant, citoyens, je vous engage à vous retirer. »

Les citoyens, à la voix du premier magistrat de la cité, si connu par son civisme, se retirèrent paisiblement du château, après avoir donné, dans leur patiente longanimité, un suprême mais inutile avertissement à l’individu royal.

Les journaux royalistes et feuillants, en rendant compte de cette journée, ont, selon leur coutume, entassé calomnies sur mensonges. Je puis les réfuter, puisque j’ai été témoin des deux faits dénaturés par la presse contre-révolutionnaire. Ainsi, selon elle, Louis XVI aurait été brutalement contraint de coiffer un bonnet rouge et de boire à la santé de la nation.

Cela n’est pas vrai.

Voici ce qui s’est passé, je l’ai vu. Un citoyen, placé devant moi, portait un bonnet rouge au bout d’un bâton, et passant à son tour devant le roi, il s’arrêta un instant et cria : — Vive la nation ! — en agitant le bâton au bout duquel se trouvait le bonnet. Alors Louis XVI, se penchant et faisant signe au citoyen d’approcher de lui son bâton, prit volontairement le bonnet rouge et s’en coiffa… ce qui donnait au roi un aspect étrangement ridicule ; car, avec cette coiffure plébéienne, il portait sur son habit de soie brodé la plaque d’argent de l’ordre du Saint-Esprit, et son grand cordon bleu en sautoir par-dessus sa veste. Cet acte, tout spontané de royale courtisanerie envers le populaire, qui, d’ailleurs, n’y fut point sensible,