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semblée certain de l’appui des souverains étrangers, comptant à l’intérieur sur l’action ténébreuse, mais encore puissante, du clergé réfractaire, et sur la complicité des généraux, des officiers aristocrates, entre les mains de qui se trouvait l’armée, Louis XVI jette défis sur défis à l’Assemblée ; ses commissaires sont presque brutalement accueillis aux Tuileries, et il choisit son ministère dans le club des Feuillants, notoirement contre-révolutionnaire. En vain l’Assemblée rend des décrets contre les prêtres, qui soufflaient le feu de la guerre civile ; contre les aristocrates, qui allaient en masse rejoindre les corps d’émigrés rassemblés en armes ; Louis XVI oppose son veto à l’exécution de ces décrets, encourageant ainsi les instigateurs de la guerre civile et étrangère. Or, ce fut au sujet de la guerre étrangère que bientôt s’organisa entre le roi, ses ministres, le parti de la cour et les despotes de l’Europe la trame, aussi perfide qu’habilement ourdie, que vous allez voir se dérouler devant vous, fils de Joël.

Les émigrés préparaient ouvertement sur nos frontières une invasion armée sous la protection des princes allemands limitrophes de la France, et devaient servir d’avant-garde aux troupes de la coalition. Ces préparatifs menaçants émeuvent les représentants du peuple ; Isnard monte à la tribune et s’écrie :

« — Représentants du peuple, soyons à la hauteur de notre mandat ; parlons au roi, à ses ministres, à l’Europe, avec la fermeté qui nous convient ; disons au roi : — Vous ne régnez que par le peuple et pour le peuple ! Lui seul est souverain ! — Disons aux ministres : Choisissez entre la reconnaissance publique et la vengeance des lois… — Disons à l’Europe : La France tire l’épée ; elle en jettera le fourreau derrière elle… Alors elle engagera la guerre à mort des peuples contre les rois, et bientôt les peuples s’embrasseront à la face des tyrans détrônés ; la terre sera consolée, le ciel satisfait ! »

Ces éloquentes paroles d’Isnard entraînent l’Assemblée. Elle décrète une adresse au roi (27 novembre 1791), lui enjoignant de