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et 1791, soutenus par notre énergie militante à nous autres hommes d’action ; souvenons-nous enfin que Robespierre, Danton, Camille Desmoulins, Marat, Isnard, Merlin, Pétion, Brissot, Vergniaud, Roland, Saint-Just, Prudhomme, Loustalot, Couthon, Carnot, Cambon et tant d’autres et d’autres encore parmi les plus illustres ou les plus vaillants soldats de la révolution étaient des bourgeois ; ils se sont, avec une abnégation sublime, dévoués à la cause populaire, à la république ; ils s’y sont dévoués, lorsqu’il l’a fallu, jusqu’à la proscription, jusqu’à la mort, jusqu’au martyre, et cela dignement, généreusement, sans arrière-pensée, sans calcul ! car ils ont vécu pauvres et intègres. Ah ! regardons toujours comme une nécessité fatale, douloureuse, ces luttes auxquelles une fraction puissante de la bourgeoisie nous contraint par son aberration ! ces luttes impies, fratricides, déplorables pour elle et pour nous, tâchons de les prévenir ! Efforçons-nous de la vaincre en patriotisme, en probité, en vaillance, en générosité, en ardeur pour le travail, mâles vertus civiques, jusqu’ici notre seul patrimoine, à nous autres déshérités ! Ah ! surtout le lendemain de ces combats néfastes où la victoire même est un deuil ! repoussons avec horreur cette loi barbare et stérile du talion… stérile… non ! car par leur sanglant et hideux enfantement les impitoyables représailles engendrent les représailles impitoyables, et ainsi se perpétue le mal selon le caprice de la force ou du hasard… Fils de Joël, montrez-vous justes… par cela même que vous avez souffert de l’iniquité ! Frappez, s’il le faut, vos ennemis, puisque la clémence accordée au crime avéré serait pour lui l’impunité, serait enfin un outrage aux yeux de la justice éternelle… Mais, si criminels qu’ils soient, frappez vos ennemis… non pas au nom de la vengeance populaire, mais au nom de la loi… donnez-leur, non des bourreaux, mais des juges… Faites enfin qu’ils soient non des victimes, non des martyrs, mais des accusés, mais des condamnés, ayant usé jusqu’à la fin du droit sacré de la libre défense ! ce droit sacré, en eussent-ils dépouillé votre père ! l’eussent-ils, inoffensif et sans armes, mas-