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et des mouchards apostés à l’entrée du champ de Mars, sur les glacis, insultèrent la garde nationale, lui lancèrent des pierres, et un coup de pistolet est tiré sur La Fayette, hors de la portée de la balle. Aussitôt, la garde bourgeoise, sans sommation, fait feu sur les agresseurs, mais vise en l’air… On le comprend, l’on ne tire pas sérieusement sur ses compères ; les autres décharges (toujours sans sommation) se font impitoyablement sur les pétitionnaires qui, voyant la mort s’avancer de tous côtés et ne pouvant fuir, la reçoivent en embrassant l’autel de la Patrie… en un moment jonché de cadavres…

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» Depuis ce massacre, les meilleurs citoyens sont proscrits… on s’empare de leurs papiers, on brise les presses des journaux patriotes ; les amis de la loi et de l’ordre, les modérés affichent et signent des listes de proscription, disant qu’il faut purger la société des Brissot, des Carra, des Bonneville, des Danton, des Fréron, des Desmoulins… Or, Danton, Fréron et moi, n’avons pu échapper à nos assassins que par la fuite…

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» Quant à moi, ce n’est point pour substituer des décemvirs à la royauté, pour substituer M. d’André ou M. Barnave aux premiers ministres ; pour substituer les arrêts des proscriptions des dictateurs La Fayette et Lameth aux lettres de cachet, que j’ai pris le premier la cocarde de l’insurrection le 12 juillet 1789. Ce n’était point la peine de nous délivrer des bourrades, des triste-à-pattes (le guet), pour nous livrer aux baïonnettes nationales de nos concitoyens ! Enfin, l’on n’a point renversé la Bastille, l’on n’a point délivré les victimes de l’autre régime, pour voir fusiller, éventrer les citoyens qui, en vertu du droit de réunion, signent paisiblement une pétition… »

(Révolutions de France et de tous les royaumes, no LXXXVI et dernier.)…...