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nus dans les clubs : Chaumette, étudiant en médecine ; Maillard, l’un des héros de la Bastille ; Meunier, président de la société fraternelle séant aux Jacobins ; Hébert, Henriot, Santerre, si populaires dans les faubourgs. Un signataire avait fait précéder son nom de ces mots : Je renonce au roi et refuse de le reconnaître ; signé, Louis Magloire l’aîné, à Boulogne. La dernière personne qui avait signé avant moi était une charmante jeune fille, accompagnée de sa mère ; leur nom était tracé d’une écriture irréprochable : Madame et mademoiselle David, marchandes de modes, rue Saint-Jacques.

Beaucoup de noms étaient suivis de cette désignation : Garde national. Une grande quantité de croix, entourées d’un cercle, indiquaient chez ces pétitionnaires l’ignorance de l’écriture. Je vis encore plusieurs noms de baptême sans être suivis d’un nom de famille, tels que : Paul, Mathurin, Jacques, évidemment tracés par des enfants dont l’on guidait la main ; je fus, à ce sujet, témoin d’un fait caractéristique et touchant. Au moment où j’allais quitter l’estrade, une jeune femme donnait en ces termes une leçon de vertu civique à son fils, âgé de six à sept ans au plus, en conduisant ses petits doigts armés d’une plume :

« — Mon enfant, il faut apprendre de bonne heure à maudire et à exécrer les rois parjures ! Rappelle-toi toujours cet autel de la Patrie… La patrie, vois-tu, cher enfant, est la vraie, l’unique religion du citoyen ! »

Ah ! fils de Joël… à quelles destinées n’atteindrait pas un peuple élevé dans ces virils enseignements ?… Le soleil commençait à décliner, l’affluence des signataires était toujours énorme. J’oubliais de dire que, vers les trois heures du soir, je vis monter sur l’estrade trois officiers municipaux ceints de leur écharpe. Ils se nommaient, selon que je l’ai appris, Leroux, Hardy et Renaud. Les délégués leur ayant donné connaissance de la pétition, l’un des commissaires, après l’avoir lue à ses collègues, dit à haute voix, s’adressant à la foule :