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très-surpris, descend de l’estrade et fait part de sa découverte à quelques personnes. On pénètre sous l’échafaudage et l’on y découvre cachés deux hommes, dont l’un avait une jambe de bois ; près d’eux se trouvaient des vivres et un petit tonnelet de vin. Ces individus sont arrêtés : pressés de questions, ils avouent enfin que, cédant à une curiosité obscène, sachant que citoyens et citoyennes devaient monter sur l’estrade pour signer la pétition, ils avaient percé le plancher de l’estrade, afin de voir les jambes des femmes… Cet aveu excite plus de dégoût que d’indignation chez les spectateurs ; néanmoins l’on conduit l’homme à la jambe de bois et son compagnon au petit poste de gardes nationaux du Gros-Caillou. L’on y arrivait, lorsque Lehiron et sa bande, se rendant évidemment au champ de Mars dans quelque but ténébreux, rencontrent les citoyens qui amenaient au poste les deux hommes. Lehiron s’informe du motif de leur arrestation, et les personnes qui lui répondaient ayant parlé des vivres et du petit tonneau trouvés sous l’autel de la Patrie :

« — Aussitôt une femme accompagnée d’un enfant (je cite les paroles de l’un des témoins du double meurtre ; il s’agissait du jésuite et du petit Rodin), une femme accompagnée d’un enfant s’était tout à coup écriée : Ce tonneau doit contenir de la poudre. Ces brigands, payés par les aristocrates, voulaient faire sauter l’autel de la Patrie et les pétitionnaires. — Oui, oui,— répond un homme d’une taille gigantesque, — ils voulaient faire sauter l’autel de la Patrie. — À mort les aristocrates ! — Soudain, une bande de furieux dont était accompagné ce géant, se jettent sur les deux malheureux que l’on venait d’arrêter, les massacrent, leur coupent la tête, la plantent au bout d’une pique et crient qu’ils vont promener ces têtes dans Paris, pour prouver au peuple le complot tramé contre lui. Les cadavres décapités avaient été ensuite transportés dans l’intérieur du poste du Gros-Caillou, devant lequel s’était alors formé un rassemblement. »

Ces renseignements furent pour moi un trait de lumière. L’abbé