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— L’heure est indue, — reprend Bethsabée avec inquiétude, — il est minuit passé… cette rue écartée est depuis longtemps déserte… ne serait-ce point notre veilleur qui vient nous avertir de l’approche de quelque péril ?

— Non, notre veilleur eût en frappant donné le signal convenu.

— Tu as raison… Écoute, Samuel… écoute. On heurte avec une nouvelle violence.

— Je vais voir ce que c’est, — dit le Juif ; et, prenant la lampe, il sort de la chambre basse, s’approche du guichet de la petite porte, et à la clarté de son luminaire il aperçoit au dehors un laquais vêtu d’une livrée orange et verte galonnée d’argent. Cet homme, après avoir heurté de nouveau avec violence, trébuche et semble complètement ivre.

— Hé, l’ami ! — dit Samuel, — ne frappez pas si fort… Que voulez-vous ici ?

— Je… je… frappe… comme il convient… — répond le laquais d’une voix avinée. — Ouvre… moi… sur l’heure !

— Je n’ouvre point… Que demandez-vous ?…

— Tu n’ouvres pas… chien de juif… pourceau de juif… mon maître te fera mourir sous le bâton… il m’a dit : « Porte… cette lettre au juif Samuel… et surtout… drôle… ne t’arrête pas… au cabaret… »

— Vous avez, il y paraît, écouté ces recommandations… Votre maître, qui est-il ?

— Mon maître est monseigneur le comte de Plouernel, colonel aux gardes… tu le connais bien, fesse-matthieu !… Tu lui as déjà prêté de l’argent… triple Arabe !… à ce que nous a dit l’intendant de… monseigneur…

— Avez-vous une lettre de votre maître pour moi ?…

— Oui… par ainsi, ouvre-moi… ou sinon…

— Je n’ouvre point… donnez-moi cette lettre à travers le guichet.

— Mulet de juif, est-il têtu ! — dit le laquais, et introduisant la