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» Celui-ci plus d’une fois lui avait, durant la traversée, offert ses services ; le hasard voulait qu’il fût le frère aîné de l’inquisiteur de Lisbonne ; l’espoir de M. Rennepont se réalisa : le duc San-Borromeo, grâce à son crédit, obtint que la peine capitale portée contre le Juif fût commuée par le tribunal de l’inquisition en un bannissement perpétuel. M. Rennepont, après avoir sauvé son protégé, s’informa de sa moralité, recueillit sur lui les meilleurs renseignements, et afin de lui rendre le bannissement moins pénible, lui proposa de l’accompagner en France. Le Juif accepta avec reconnaissance. Il était fort expert au négoce. M. Rennepont le chargea plus tard de la gérance de son comptoir d’armateur ; dès lors le Juif, nommé Samuel, se dévoua corps et âme à son bienfaiteur. (Samuel était mon aïeul à moi, David Samuel.) Il put bientôt prouver sa gratitude à M. Marius Rennepont. Les persécutions contre les protestants redoublaient de fureur. Ceux qui refusaient de se convertir se voyaient exposés aux violences, aux exactions de toute nature. M. Rennepont avait un fils. Il l’adorait ; et, afin de lui assurer un jour la jouissance de ses biens en les mettant à l’abri de la confiscation, il se résigna, non sans luttes cruelles contre sa conscience, à abjurer le protestantisme, du moins en apparence. Il paya cher cette faiblesse ; la compagnie de Jésus, par une cause mystérieuse dont mon aïeul n’a jamais été instruit, poursuivait, d’âge en âge, de sa surveillance occulte et de sa haine une certaine famille Lebrenn, à laquelle l’un des aïeux de M. Rennepont s’était allié vers le milieu du seizième siècle, lors des guerres religieuses de cette époque ; mais pour des raisons exposées ci-après, la branche des Rennepont avait complètement rompu ses relations avec la branche des Lebrenn, depuis plus de cinquante ans, ignorant même si elle laissait quelques rejetons.

» La compagnie de Jésus, enveloppant de ses investigations occultes tous ceux qui, de près ou de loin, appartenaient à cette dite famille Lebrenn, apprit de ses affiliés que M. Marius Ren-