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et en empêcher la malversation ou le mauvais emploi par de loyales redditions de comptes. Cette fois encore, Louis XVI pouvait, s’il l’eût voulu, opérer, grâce à Necker, d’inévitables réformes, quoique sur une échelle moindre que celle des projets de Turgot ; mais la détestable faiblesse de ce prince paralysa de nouveau ses vagues velléités de bon gouvernement, il sacrifia Necker à l’animosité de la cour ; ce ministre se retira en 1781, après avoir publié ses fameux Comptes rendus des finances, qui, pour la première fois, dévoilèrent à la France l’abîme financier creusé par des siècles de monarchie. Maurepas mourut peu de temps après la retraite de Necker. Les fonctions de premier ministre furent supprimées. La reine Marie-Antoinette prit, dès cette époque, le plus funeste ascendant sur Louis XVI, et fut l’une des causes les plus actives, les plus persistantes de sa perte. Cette princesse, belle, attrayante, mais altière, impérieuse, inexorable, lorsqu’il s’agissait des prérogatives royales, se montrait cependant d’une familiarité voisine de la licence des mœurs, lorsqu’il s’agissait de ses plaisirs. Elle exigea du roi qu’il prît pour ministre des finances Calonne, esprit brillant, spécieux et corrompu. Il avait acquis une extrême influence sur la reine et sur son entourage par l’impudence de ses paradoxes. Ainsi, selon cet étrange financier, l’ordre, l’économie dans les dépenses, étaient choses puériles et stériles : la prodigalité seule devenait féconde ; il dota de riches pensions les courtisans familiers de la reine, éblouit celle-ci par les fêtes splendides qu’il lui donna, ne refusa jamais les demandes de fonds qu’elle lui adressait. Il eut ainsi bientôt épuisé les quelques ressources dues à la sage administration de Necker et porté un coup mortel au crédit à peine renaissant. Le trésor vide, il fallait décréter de nouveaux impôts ; mais sur qui les prélever ? Le tiers état, à bout de sacrifices, faisait entendre par les mille voix de l’opinion publique de menaçantes paroles, et refusait de subir de nouveaux impôts jusqu’à la convocation des États généraux ; seuls, il pouvaient, disait-on, mettre terme à des abus intolérables. La no-