Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tout ceci s’est passé plus rapidement que la pensée. Jean Lebrenn, qui, malgré les prières, les efforts du voisin Jérôme, s’est avancé jusque sur le palier, afin de voir quels hommes envahissaient la maison et montaient l’escalier, a été bientôt refoulé en dedans du seuil de la chambre par le gigantesque Lehiron et par une douzaine de scélérats de sa bande armés de piques, de sabres ; ils restent, à un geste de leur chef, groupés sur le palier et sur les dernières marches de l’escalier ; Jean Lebrenn s’élançant alors sur son fusil armé de sa baïonnette, s’est rapproché de Frantz et de Victoria, afin de couvrir ainsi de son corps son père et sa mère, muets, terrifiés, tremblants de tous leurs membres.

Lehiron, entré seul dans la chambre, paraît d’abord surpris et inquiet de l’attitude résolue de nos trois personnages. Frantz, des doubles canons de ses pistolets, menace les agresseurs, Victoria intrépide, l’œil étincelant, est armée d’un couteau de chasse, et Jean Lebrenn se tient prêt à charger ces bandits à la baïonnette. Soudain apparaît le petit Rodin. Il s’est glissé à travers les compagnons de Lehiron, entre à son tour dans la chambre, s’approche du géant, et, se dressant sur la pointe des pieds, lui fait signe de se baisser à sa portée, puis il lui dit à l’oreille :

— N’oublie point les papiers que mon doux parrain t’a ordonné de saisir. — Le garçonnet, remarquant alors par hasard les manuscrits de la légende empilés sur une table avec les reliques de famille, ajoute vivement : — Tiens, tiens… je gage que les voilà à côté de ces brimborions… les fameux papiers ! ! Saute dessus tout de suite… prends-les… hardi ! !

— C’est bon… — répond Lehiron en se redressant, et il allait sans doute suivre le conseil du fillot du jésuite, lorsque Victoria, observant que les regards du bandit et du petit Rodin se sont attachés sur les manuscrits, s’élance vers la table, la saisit par l’un de ses pieds, et d’un mouvement brusque et prompt la tire dans l’angle de la chambre où se groupait la famille et dit à Jean :