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— Vous êtes perdus… cachez-vous… ils montent… les voilà… ils vont vous massacrer ! !

À ce moment l’on entend retentir dans l’escalier des pas tumultueux accompagnés de ces clameurs :

— Vive la nation ! — À mort les traîtres ! — Les aristocrates à la lanterne !

Jean Lebrenn, après un premier moment de stupeur partagé par sa famille, s’écrie en courant vers la porte :

— Pourquoi ces hurlements de mort ?… Qu’est-ce que ces hommes ?… Ce ne sont pas là nos camarades…

— C’est une bande d’enragés… cachez-vous… — répond Jérôme haletant et tentant en vain de barrer le passage à Jean. — Ils disent qu’il y a ici une aristocrate… une Marquise… ils veulent la mettre à la lanterne…

— Plus de doute ! ce jésuite qui assistait hier à ce souper… — dit Victoria frappée d’une idée subite, et saisissant le bras de Frantz de Gerolstein : — Ce prêtre, sans doute aujourd’hui mêlé à la foule qu’il voulait pousser à de sanglants excès… m’aura reconnue… lors du passage de notre colonne… Il s’est hier soir trop ouvert en ma présence… il veut me faire égorger… en me dénonçant comme Marquise… Le tour est digne de Loyola lui-même… Qu’en dites-vous, Frantz ?…

— Je dis… — répond le prince de Gerolstein, en tirant des poches de sa veste une paire de pistolets à deux coups, qu’il arme et dont il visite froidement les batteries ; — je dis que je brûlerai d’abord la cervelle à quatre de ces brigands !

— Frantz, songeons, avant tout, à protéger ma mère et mon père ! — s’écrie Victoria ; et vaillante comme une Gauloise des temps héroïques, elle dégaine le couteau de chasse que le prince porte suspendu à son côté, et brandissant cette arme d’une main virile, elle se prépare, ainsi que Frantz, à défendre le vieillard et sa femme, qui, effrayés, se sont instinctivement réfugiés dans l’angle de la chambre.