Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Rien, dans le refus de M. Desmarais, ne me prouve qu’il ait cédé à un sentiment d’orgueil de caste… Il a, au contraire, en présence de sa fille et de sa famille, reconnu l’honorabilité de mon caractère, protesté de son dévouement inaltérable à la révolution… qu’il a jusqu’ici… ne l’oublions pas, mes amis… fidèlement, énergiquement servie… ainsi qu’en font foi ses discours, ses votes à l’Assemblée nationale… et d’ailleurs…

— Mon fils, écoute… écoute… quelles sont ses rumeurs ? — dit soudain madame Lebrenn, prêtait l’oreille du côté de l’escalier. — On dirait qu’il y a un rassemblement dans notre cour…

— Quoi ! déjà !… — reprend Jean Lebrenn, prêtant aussi l’oreille à ce bruit d’abord lointain et de plus en plus rapproché. — Mes dignes camarades ont été plus alertes que je ne le croyais !

— Que veux-tu dire, mon fils ?

— En sortant de chez M. Desmarais… car nos intérêts personnels ne doivent pas nous faire oublier la chose publique… j’ai engagé plusieurs de nos voisins, qui ont pris part au siége de la Bastille… à rassembler nos amis du quartier, leur indiquant notre cour comme lieu de réunion ; de là nous partirons en armes pour nous rendre aux barricades du faubourg Saint-Antoine… Il faut prévoir une attaque possible tentée par la garnison du fort de Vincennes, assez considérable, dit-on…

— Cette mesure de précaution est excellente, mon cher Jean, — reprend Frantz de Gerolstein. — Je vous accompagnerai…

— Le bruit que tu entends, ma mère, — ajoute Jean Lebrenn, — est causé sans doute par l’arrivée de mes camarades dans la cour… ils se sont hâtés ; je ne les attendais pas si tôt… mais…

Le jeune artisan prononçait ces paroles, lorsque tout à coup la porte de la chambre s’ouvre, et le voisin Jérôme, qui logeait sur le même palier que la famille Lebrenn, entre pâle, effaré, en criant d’une voix alarmée :