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cule vanité ils sont gonflés, parce qu’ils possèdent des écus ! La haine de ces gens-là contre la noblesse n’est que de l’envie… Oh ! Molière ! divin génie ! ton Bourgeois gentilhomme sera longtemps encore d’une sanglante vérité ! — dit Frantz de Gerolstein avec dégoût, et il ajoute d’un ton sardonique : — Il est dommage, mon cher Jean, que vous n’ayez pas songé à apprendre à cet avocat ami du peuple… à cet apôtre de l’égalité… que vous aviez l’honneur insigne de compter parmi vos cousins Son Altesse Sérénissime Othon VII, grand-duc régnant de la principauté de Gerolstein… et, par surcroît, allié de plusieurs têtes couronnées… Cette parenté quasi-royale, invoquée par vous, eût certainement décidé en votre faveur ce fougueux tribun populaire, cet indomptable ennemi de l’aristocratie et de la royauté… — Et haussant les épaules avec mépris, Frantz ajoute : — Quelle ignoble et lâche comédie ! ! Ah ! pas de pitié pour de pareils hypocrites ! C’est un devoir de les démasquer aux yeux d’un peuple confiant et loyal, qu’ils trompent indignement.

— Non, pas de pitié pour ces sycophantes ! — s’écrie Victoria frémissant d’indignation. — Il faut aujourd’hui même dénoncer à nos amis…

— Ma sœur… ma sœur, — dit Jean Lebrenn interrompant Victoria, — ni toi, ni Frantz, ne vous hâtez pas d’accuser M. Desmarais d’hypocrisie et de traîtrise ! ! C’est chose grave et redoutable, en ces temps-ci, qu’une pareille accusation !

— Quoi ! mon frère… ce fourbe ne s’est-il pas accusé lui-même en te refusant la main de sa fille ?

— … Et quelle pouvait être la cause de ce refus, sinon l’énorme… l’incommensurable distance qui existe entre un humble artisan et M. l’avocat Desmarais, ayant son coffre bien garni et pignon sur rue ? — ajoute Frantz de Gerolstein ; mais Jean Lebrenn, fidèle à la généreuse parole donnée par lui au père de Charlotte, de ne le jamais dénoncer que par la voix de ses actes politiques, s’ils devenaient coupables, reprit dignement :