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— Il est de mon devoir, en ce moment solennel, de vous répondre sans détour, monsieur, — dit Jean Lebrenn d’une voix émue et d’un ton pénétré. — J’aime mademoiselle votre fille… Elle m’a juré de n’avoir pas d’autre époux que moi… Je viens vous la demander en mariage…

— Qu’entends-je ?… — s’écrie l’avocat Desmarais, simulant une surprise extrême. — Quoi ! ma fille ?…

— Mademoiselle Charlotte, j’en suis certain, approuvera la demande que j’ai l’honneur de vous adresser, monsieur…

— Ainsi, mon cher Jean, — reprend l’avocat d’un air paterne, qui paraît du meilleur augure au jeune artisan, — ma fille et vous, vous vous aimez ?

— Passionnément… depuis six mois, monsieur.

— Après tout… il n’y a dans cet amour-là rien qui puisse me surprendre, — répond tout haut, après un moment de réflexion, M. Desmarais, comme s’il se fût parlé à soi-même. — Charlotte m’a entendu cent fois apprécier, comme ils devaient l’être, le caractère, l’intelligence, l’excellente conduite de notre cher Jean… Elle sait que je n’admets aucune distinction sociale entre les hommes, pourvu qu’ils soient gens de bien ; tous sont égaux à mes yeux, quels que soient les hasards de la naissance et de la fortune… Rien de plus naturel… Je dis mieux… rien de plus normal que cet amour de ma fille… pour mon jeune et digne ami !

— Ah ! monsieur, — s’écrie le jeune artisan les larmes aux yeux et avec un accent de gratitude ineffable, — est-il possible… vous consentiriez à notre union ?

— Dame… — répond M. Desmarais, continuant d’affecter une imperturbable bonhomie, — si cette union convient à ma fille… il en sera nécessairement selon son désir.

— De grâce, interrogez sur l’heure mademoiselle Charlotte… et vous serez assuré, monsieur, de…

— C’est inutile, mon cher Jean… parfaitement inutile, car, entre