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— Non, monsieur ; ma blessure est légère, et je suis très-touché de l’affection que vous me témoignez…

— Quoi d’étonnant ! mon cher Jean… ne savez-vous pas combien je vous suis attaché ?

— Je le sais, monsieur… et c’est au nom de cette amitié, dont vous m’avez tant de fois réitéré l’assurance… que j’ose tenter la démarche qui me conduit ici.

— Plus de doute, nous y voilà ! — pensait l’avocat, et, selon la coutume des gens d’un caractère faible, il tenta d’atermoyer l’explication qu’il redoutait, en ajoutant tout haut : — Et votre digne et pauvre père… est-il un peu remis des violentes émotions de ce jour ?…

— Oui, monsieur… Le bonheur de se retrouver auprès de nous… après une si longue et si dure captivité lui a fait oublier ses souffrances… la perte de la vue… et ses autres cruelles infirmités !…

— Aveugle… perclus de tous ses membres ! ! infortuné vieillard, auguste victime de la tyrannie des rois ! ! Ah ! tu seras le dernier martyr du despotisme… le règne de la fraternité humaine va succéder à ces siècles d’oppression !

— Mieux que personne, monsieur, vous pouvez affirmer ce principe égalitaire, dont vous êtes à l’Assemblée nationale l’un des plus éloquents défenseurs… Mais, je l’avoue, monsieur, jamais plus qu’en ce moment je n’ai été heureux de vous entendre professer ces principes de fraternelle égalité…

— Pourquoi cela ?

— Parce que vos principes me font espérer que la demande que je viens vous adresser, monsieur, sera peut-être accueillie par vous…

— Si vous en doutiez, mon cher Jean… ce doute serait pour moi une offense ! !

— Vous ignorez, monsieur… la nature… l’importance… de cette demande…

— Plus elle a d’importance, mon ami… plus vous devez être certain de sa réussite… En un mot, de quoi s’agit-il ?