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— Je vous remercie, beau-frère, de vos offres… Veuillez me laisser seul… Si peu énergique que vous vous plaisiez à me supposer… je ne suis ni un poltron ni un enfant ; je sais me conduire et faire respecter ma dignité ! — reprend l’avocat Desmarais avec une aigreur à peine contenue. — Puis s’adressant à Gertrude : — Faites entrer M. Lebrenn…

— Je te quitte, mon ami ; de la modération, de la prudence, je t’en adjure ! ! — dit madame Desmarais à son mari, et elle ajoute à demi-voix : — Mon frère, par sa mauvaise tête et sa violence hors de saison, serait capable de nous faire tous massacrer… Je vais l’emmener, afin de te débarrasser de lui. — Puis, tout haut, elle ajoute, en s’emparant du bras du banquier : — Viens, mon frère ! ! Allons retrouver Charlotte… Je compte beaucoup sur l’excellente influence des conseils que tu vas lui donner en ma présence.

M. Hubert prend le bras de sa sœur, la suit ; mais il se dit à part soi :

— Morbleu ! je ne perdrai pas cette bonne occasion de dire son fait à cet insolent polisson, ne fût-ce que pour l’honneur de la famille.

Au moment où la femme et le beau-frère de l’avocat disparaissent par l’une des portes latérales, Jean Lebrenn, introduit par Gertrude, entre par la porte principale du salon.


M. Desmarais, à l’aspect du jeune artisan, domine et dissimule sa sourde colère sous un masque de cordiale aménité ; il fait deux pas au-devant de Jean, et lui tendant affectueusement la main :

— Avec quel plaisir je vous revois, mon cher ami ! après la périlleuse et héroïque journée à laquelle vous avez pris une si glorieuse part… — Puis l’avocat ajoute avec l’accent d’un affectueux intérêt : — Et votre blessure ? elle n’a vraiment point de gravité, ainsi qu’on me l’a assuré de la part de votre excellente mère ?