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— Comment… ce polisson-là a l’audace de se présenter encore ici ! — s’écrie M. Hubert, pourpre de colère. — Ah çà… vous allez peut-être, beau-frère, le recevoir ?

— Il ignore que ma fille nous a révélé l’engagement qui les lie tous deux… et d’ailleurs… tantôt, — répond M. Desmarais rougissant de confusion, — tantôt… j’ai… j’ai…

— Quoi… tantôt… Pourquoi vous interrompre, beau-frère ? 


— Mon ami, — reprend madame Desmarais venant en aide à l’avocat, — tantôt, une colonne de vainqueurs de la Bastille commandée par ce maudit Jean Lebrenn… s’est arrêtée devant notre maison… en criant : — Vive le citoyen Desmarais !… Vive l’ami du peuple !… Alors…

— Achève…

— Tu vas t’emporter, te courroucer, mon frère…

— Enfin… achève…

— Eh bien… j’ai cru devoir céder à la nécessité, — reprend l’avocat Desmarais, — j’ai été forcé de haranguer ces forcenés, et de les féliciter de leur victoire… dans la personne de leur chef… cet enragé Jean Lebrenn qui m’avait adressé un discours…

— À merveille, beau-frère… à merveille !… — reprend M. Hubert avec un éclat de rire sardonique, — la leçon et le châtiment ont été pour vous complets !! Parbleu, je me réjouis fort de votre embarras présent à traiter comme il mérite de l’être ce jeune citoyen qui vient sans doute vous demander la main de votre fille… au nom de la liberté, de la fraternité et de l’égalité… à moins qu’il n’exige ce mariage au nom de la souveraineté du peuple… Pourquoi pas ?… Corbleu ! la scène sera comique… et j’y veux assister.

— Mon ami… si tu reçois ce jeune homme, reste calme, je t’en conjure, — dit avec inquiétude madame Desmarais, à l’avocat ; — éconduis le poliment… ne te fais pas de lui un ennemi dangereux… mortel, peut-être… Hélas ! nous vivons en un temps où il faut ménager ces gens-là et craindre de les blesser.