Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Charlotte… mais des beaux yeux de sa cassette… car, ne vous y trompez point… ce garçon-là ne vise qu’à la dot.

— Beau-frère, connaissant ainsi que je le connais Jean Lebrenn, je ne pense pas que l’intérêt le guide uniquement dans cette affaire.

— Vous avez et aurez toujours, beau-frère, en ce qui touche les vertus de l’humaine espèce, une crédulité… passez-moi le terme, voisine de la niaiserie… Quoi qu’il en soit, je vous le répète, ce drôle, si vous allez à Versailles, vous y suivra effrontément.

— Mon frère a peut-être raison, mon ami… ce Lebrenn est très-audacieux.

— Alors, que faire ?…

— Que faire ?… beau-frère… le voici… Envoyer momentanément mademoiselle Charlotte à cent lieues de Paris… et agir en sorte de dépister notre homme, afin qu’il ne puisse savoir où l’on aura conduit ma nièce.

— Et où voulez-vous que nous envoyions ma fille ?

— À Lyon… chez notre cousine Dusommier ; ma sœur accompagnera Charlotte, et restera près d’elle le temps nécessaire pour que cette absurde amourette soit oubliée… un mois ou deux suffiront à cela…

— Ton conseil, mon frère, me paraît sage ; mais je crains que Charlotte, dont la fermeté égale la douceur, ne consente pas à…

— Ne consente… pas… à… Morbleu ! ma sœur, l’autorité paternelle est-elle un vain mot ? Quoi, une péronnelle de dix-sept ans se refuserait d’obéir aux ordres de ses parents ?

— J’espère, mon cher Hubert, qu’elle n’osera pousser la résistance jusque-là… Mais enfin… il faut tout prévoir… admettons ce cas-là ?

— En ce cas-là, beau-frère, on emballe, bon gré mal gré, mademoiselle Charlotte dans le coche de Lyon… et puis, fouette cocher !

Gertrude, la servante, entre en ce moment, et dit à ses maîtres :

— M. Jean Lebrenn désirerait parler tout de suite à monsieur pour une chose très-urgente.