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par les sous-officiers Davanne, Aubin Bonnemer, Louis Tournay, Dassin, et autres patriotes qui ont si intrépidement assailli à coups de hache les premières portes de la Bastille… as-tu remarqué un jeune homme de haute taille, coiffé d’une toque verte ?

— … Et vêtu d’une sorte de tunique grise à Brandebourgs noirs selon la mode allemande ? — ajoute Jean Lebrenn. — Certes, je l’ai remarqué ; sa bravoure, son sang-froid au milieu des plus grands périls, sa figure martiale, m’avaient tout d’abord frappé…

— C’était lui… c’était Frantz de Gerolstein…

— Brave jeune homme ! — dit le vieillard ; — il se montre le digne descendant de ce prince, compagnon d’armes de notre aïeul, Odelin l’armurier de La Rochelle et l’ami de Coligny, lors des guerres religieuses du seizième siècle.

— Ce Karl de Gerolstein si passionnément aimé de la pauvre Anna-Bell, de qui la destinée offre tant de rapports avec la mienne, et qui trouva volontairement la mort à la bataille de La Roche-la-Belle…

Victoria prononçait ces mots avec un accent de mélancolie amère, lorsque l’on entendit frapper à la porte.

— Entrez… — dit Jean, et bientôt Frantz de Gerolstein parut aux yeux surpris de la famille Lebrenn.

Jean reconnut alors l’un des plus vaillants combattants de la journée, dans ce prince que Victoria venait de nommer. Elle fit deux pas à sa rencontre, lui tendit amicalement la main, et l’amenant auprès de madame Lebrenn :

— Frantz, voici ma bonne et tendre mère que vous désirez connaître ; — et s’adressant à ses parents, la jeune femme ajoute : — Ce matin, après la prise de la Bastille, notre parent et ami, M. de Gerolstein, témoin de la délivrance de mon père, m’a demandé le lieu de notre demeure, me témoignant de son impatience de nouer avec notre famille d’affectueuses relations de parenté…

— Je ne pouvais, madame, pour inaugurer ces relations, désirer