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— Je ne saurais résister à tes vœux appuyés de l’autorité de mon père et de ma mère, — répond Jean après réflexion et étouffant un soupir. — Qu’il en soit donc ainsi que vous le désirez ! ! Je laisserai croire à mademoiselle Desmarais que ma sœur n’existe plus… Cette dissimulation me pèse comme une lâcheté… mais, enfin vous le voulez…

— Cette dissimulation, aujourd’hui nécessaire, pourra, mon frère, un jour avoir son terme…

— Quand cela ?

— Lorsque tu auras une connaissance plus approfondie du caractère de ta femme ; lorsque, quelques années de mariage et la maternité peut-être auront mûri sa raison… Alors, mon frère, alors, sans doute, tu pourras lui faire cet aveu… Jusque-là, je dois être morte pour elle comme pour tous… sinon pour vous trois… et pour un autre de nos parents…

— Que veux-tu dire ? — reprend le vieillard surpris ; — quel parent, ma fille ?

— Le prince Frantz de Gerolstein… il possède mon secret… il a été mon initiateur à la secte des Voyants.

— Quoi ! — reprend le vieillard, — l’un des princes de cette maison souveraine d’Allemagne, jadis fondée par les descendants de notre aïeul Gaëlo-le-Pirate.

— Oui, mon père, il est l’héritier du prince actuellement régnant.

— Ainsi, Frantz de Gerolstein est à Paris ?

— … Depuis plusieurs mois, et tu l’as vu aujourd’hui, mon frère…

— Moi ! et où cela ?

— Parmi les plus intrépides assaillants de la Bastille…

— Lui, ma sœur… lui, à ce point dévoué à la cause populaire malgré sa naissance souveraine ?

— Mon frère, as-tu ce matin remarqué au milieu de ce groupe, composé de gardes-françaises, d’hommes du peuple et de jeunes bourgeois, conduits par le sergent Hulin, par l’huissier Maillard et