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— C’est justement le lendemain du jour où ton père a disparu ?…

— Il est vrai… et quoique assez insignifiante… cette circonstance m’a aussi frappé…

— À côté de cette date l’on n’avait pas écrit le nom du prisonnier ?

— Non… les détenus étaient désignés par des numéros d’ordre. Pourtant, frappé, je te l’ai dit, de la singulière coïncidence de cette date et de celle de la disparition de mon père… sans pour cela m’abandonner à la moindre espérance… je veux, à tout hasard, aller visiter le cachot no 18…

— Eh bien ?… — reprend vivement madame Lebrenn avec une anxiété croissante, invincible, — ce cachot…

— … Était vide… mais j’apprends que quelques instants auparavant, le prisonnier qui l’occupait… un vieillard, hélas ! devenu aveugle pendant sa captivité…

— Aveugle… et lui… il avait déjà la vue si affaiblie par son métier d’imprimeur, — balbutie madame Lebrenn, pâle, tremblante, et dans son angoisse, elle ajoute : — Aveugle ! ! ! Ce vieillard emprisonné précisément à la même époque… — Et joignant les mains, la digne femme murmure : — Bonté divine… si c’était lui ! ! !

— Qui cela ?…

— Ton père ! ! !

— Cette idée, je l’avoue… m’était un moment venue, — répond Jean observant avec une sollicitude croissante la physionomie de sa mère, de crainte que, malgré les ménagements dont il entourait ses révélations, la pauvre valétudinaire ne ressentît une émotion encore trop brusque et trop vive, — je me suis empressé d’aller à la recherche… de ce vieillard…

— Il ne pouvait être loin… on venait de le délivrer… Tu as dû le retrouver !…

— Pas… tout d’abord…

— Mais enfin… tu l’as rencontré ?…

— Oui… ma mère… et alors…