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écrit en tous cas qu’elle vivait encore… Mais non… rien, aucune nouvelle ! ! ! Aussi, je te le répète… Victoria est morte, ou bien sa conduite est si honteuse, qu’elle équivaut pour moi à la perte de ma fille !… Grâce à Dieu, tu me restes… toi, ma dernière consolation.

— Loin de moi la pensée, bonne mère, de vouloir te donner de folles espérances… n’y aurait-il pas, en effet, grand danger… en raison du délabrement de ta santé, à t’apprendre brusquement, je suppose, que ma sœur vit encore ? et n’a pas démérité ton affection ; ou bien que mon père, après avoir langui pendant six ans au fond d’un cachot, a recouvré sa liberté, et que bientôt tu le reverrais ?…

— Sur ce bonheur… hélas, je n’ai jamais compté…

— Soit, mais tu crois, n’est-ce pas, bonne mère, que, si… par impossible… un pareil bonheur nous devait être réservé… je prendrais pour te l’apprendre… des ménagements extrêmes ?

— Sans doute !… parce que la surprise… la joie… Ah ! Jean, je n’aurais plus la force de résister à une pareille secousse…

— Je le craindrais, aussi j’aurais recours à des moyens détournés pour t’apprendre peu à peu cette nouvelle inespérée… S’il s’agissait de mon père… je te dirais… Voyons… Je te dirais… je suppose… qu’aujourd’hui, lorsque le peuple vainqueur a pénétré dans la Bastille, il a délivré des prisonniers chargés de chaînes, plongés dans ces cachots ; les uns depuis quinze ans !… comme un citoyen nommé Leprévôt de Beaumont, que nous avons mis en liberté… d’autres étaient emprisonnés depuis six ans, époque à laquelle mon père a disparu… et même à ce sujet… j’ajouterai…

— Pourquoi t’interrompre… Jean ?

— Tu m’accuserais peut-être encore de vouloir te donner de trompeuses espérances ?

— Comment cela ?

— Me promets-tu… et tu vois que je suis loin de vouloir t’abuser…