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— Ainsi… ces paroles si cordiales… étaient feintes ! — murmure la jeune fille anéantie, tandis que l’avocat continue d’un ton résolu :

— Mademoiselle… afin de couper court à cette dégradante passion qui amènerait un jour votre déshonneur et le nôtre… vous ne reverrez plus cet homme… vous quitterez Paris.

— Mon père… de grâce…

— Ma chère amie, — poursuit M. Desmarais sans écouter sa fille et s’adressant à sa femme, — je retarderai d’un jour mon retour à Versailles… fais en hâte quelques préparatifs de voyage… nous partirons tous demain matin.

— Par pitié, mon père…

— Assez, mademoiselle… assez, vous savez maintenant ma volonté… elle est et sera inflexible…

— Ah ! — s’écrie la jeune fille avec une indignation douloureuse, — maudit soit ce jour… où je perds malgré moi le respect que j’avais pour vous, mon père ! !…

— Malheureuse ! !… L’entends-tu, ma femme ?

— Ainsi… vous, mon père… vous pour qui j’avais autant d’attachement que de vénération… vous avez pu prononcer à la face de Dieu et des hommes des paroles menteuses ?… Ainsi, vous avez pu protester de votre amour pour le peuple, de votre dédain pour les priviléges de la fortune et de la naissance dont il est déshérité… Hypocrites paroles ! Ce généreux peuple, vous le méprisez, vous le craignez… vous le haïssez ! !

— Vous tairez-vous… fille indigne !… l’on pourrait vous entendre du dehors… cette fenêtre est ouverte… Vous avez donc juré de nous faire égorger ! ! — s’écrie M. Desmarais courant à la croisée du balcon, afin de la fermer. En ce moment, la bande de Lehiron passait en poussant ses premiers cris de mort contre l’avocat, et en même temps s’offre à sa vue, lorsqu’il s’approche du balcon… la tête livide et sanglante de Flesselles, balancée au bout d’une pique… M. Desmarais jette une exclamation d’horreur, se recule en portant ses