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écouté les sages remontrances de mon beau-frère ! ! Il me prédisait le danger de recevoir chez moi, familièrement, un homme du peuple…

— Mon ami, écoute, entends-tu ce tumulte… des voix nombreuses acclament ton nom avec enthousiasme… entends-tu !…

En effet, ces cris : — Vive le citoyen Desmarais !Vive l’ami du peuple !Vive son digne représentant ! — cris poussés avec une énergie et un enthousiasme croissant, arrivèrent du dehors aux oreilles de l’avocat. Ces témoignages de la confiance et de l’affection populaires adressés à M. Desmarais offraient une si frappante contradiction avec ces paroles qu’il venait d’adresser à Charlotte : — « Fille désordonnée qui ne rougissez pas de donner votre foi à un garçon serrurier, à un homme du peuple ! ! » — que l’avocat, sa femme, sa fille, sous l’impression de ce contraste saisissant, gardèrent pendant un moment le silence.

Ce silence, Charlotte le rompit la première, en disant avec un accent d’amertume :

— Vous entendez, mon père ? ces braves gens, crédules, ingénus comme l’honnêteté, ont, ainsi que je l’avais… créance dans vos protestations cordiales, égalitaires… tant de fois répétées…

Une nouvelle explosion de cris : — Vive le citoyen Desmarais ! Vive l’ami du peuple ! — vint épargner à l’avocat écrasé sous les paroles de sa fille l’embarras de lui répondre, et, presque au même instant, Gertrude accourut essoufflée dans le salon en disant :

— Monsieur… monsieur…

— Qu’est-ce ? — répondit le représentant du tiers état avec une impatience chagrine ; — que voulez-vous encore ?

— Une troupe de vainqueurs de la Bastille, M. Lebrenn en tête, passait dans la rue avec des canons… ils ont crié en face de la maison : Vive le citoyen Desmarais ! sans savoir que monsieur était revenu de Versailles… Nous étions sur le seuil de la porte avec Germain… Il a dit à ces braves gens que monsieur était ici !