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ses promesses à l’endroit des armes qu’elle demandait à grands cris. Il voulait ainsi donner à M. de Bezenval, commandant militaire de Paris, le temps de recevoir des renforts capables d’écraser les rebelles, puisque les gardes-françaises, depuis longtemps démoralisés par les émissaires de la Révolution, fraternisaient avec le peuple… Mais ces meneurs, pénétrant l’habile politique de M. de Flesselles, avaient conduit les insurgés aux Invalides ; là, ils se sont malheureusement emparés de plus de vingt-cinq mille fusils, de plusieurs canons qui ont servi au siège de la Bastille… Enfin nous parvenons, l’un de mes collègues et moi, à nous frayer un passage à travers les flots de populace en armes qui encombraient les abords de l’Hôtel de Ville, et là… bientôt…

— Tu pâlis… mon ami… — dit vivement madame Desmarais, tandis que sa fille, écoutant silencieuse et navrée le récit de l’avocat, attendait avec angoisse qu’il fût de nouveau question de Jean Lebrenn.

— Oui, je palis, — reprend M. Desmarais portant ses deux mains à son front baigné d’une sueur froide, — je frissonne… car je crois voir encore ce malheureux Flesselles, ses vêtements en lambeaux… livide… mais toujours fier et menaçant, quoique accablé de coups, d’outrages, descendre les marches de l’Hôtel de Ville… Enfin… à peine arrivé sur la place… Ah !… ce fut affreux…

— Grand Dieu… Ils l’ont tué…

— Ils l’ont massacré avec furie…

— Assassins ! scélérats !

— J’avais remarqué les plus acharnés des brigands, qui poussaient à cet assassinat : ils étaient deux, une espèce de géant d’une force herculéenne, à face patibulaire, et un homme de petite et frêle stature : son visage d’une pâleur cadavéreuse disparaissait à demi sous une énorme barbe rousse, évidemment postiche comme son épaisse chevelure en désordre surmontée d’un mauvais bonnet de laine rouge ; il était misérablement vêtu… et, le croirais-tu… un