Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son fils nous dire qu’elle avait reçu un billet de M. Jean, écrit par lui après la bataille… Il est l’un des vainqueurs de la Bastille…

— Jean Lebrenn ! — s’écria M. Desmarais en tressaillant et d’un air courroucé, — lui… à cette détestable insurrection il aurait pris part ?

— Et une fameuse part… monsieur, puisqu’il est blessé d’un coup de feu à l’épaule… mais légèrement, selon qu’il l’a écrit à la mère Lebrenn afin de la rassurer, — répond Gertrude. — La digne femme attend son fils d’un moment à l’autre, et elle a envoyé ici l’apprenti afin de calmer l’inquiétude de monsieur et de madame… qui ont tant d’amitié pour ce brave M. Jean… et qui…

— Faites répondre à la mère de M. Jean que je ne prends aucun intérêt aux complices ou aux fauteurs d’horribles massacres ! — répond impétueusement M. Desmarais ; et il ajoute d’un ton impérieux : — Sortez, Gertrude. — Puis, se ravisant et rappelant d’un geste la servante, l’avocat ajoute d’un ton de courroux contenu : — Il est inutile de reporter à la mère de ce Lebrenn des paroles échappées à mon indignation… Vous répondrez à l’apprenti que vous avez fait sa commission… et que… et que… c’est bien !

— À la bonne heure… j’aime mieux cette réponse-là… que l’autre, — dit Gertrude en sortant.

— Quoi !… pas même de la pitié… pour Jean blessé à cette glorieuse attaque ! — pensait Charlotte abasourdie des paroles de son père, qu’elle croyait en communion de principes avec le jeune artisan. — Ah ! du moins soyez béni, mon Dieu… soyez béni… la blessure de Jean est légère ! je n’ai plus à trembler pour ses jours !

— Ah ! si la révolution doit être un jour perdue… ce sont les fous furieux de l’espèce de ce forcené Lebrenn qui la perdront, — reprit M. Desmarais avec amertume. — Les misérables abrutis ! ils ne veulent pas comprendre que l’idéal du gouvernement est une royauté bourgeoise, constitutionnelle… soustraite à l’influence pernicieuse des cours, désarmée de toute force matérielle, et subor-