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je rejoindrai la route de Versailles à Courbevoie, — dit M. de Plouernel ; et tendant la main à la jeune femme, il ajoute d’une voix profondément émue… — Adieu, Victoria… Dieu sauve le trône ! ! La lutte va s’engager… elle peut avoir pour moi des chances terribles… mortelles peut-être ! ne vous reverrai-je plus…

— Loin de vous ces tristes pressentiments, brave chevalier ! vaillant défenseur de l’antique monarchie ! !… Espoir, courage… Comptez sur votre loyale épée… Je réponds du succès, si les mesures de votre parti sont promptes, impitoyables… et alors vous me reverrez, Gaston… Vous me reviendrez victorieux, digne de vos ancêtres… mon cœur m’en est garant… et alors…

Victoria s’interrompt, jette un coup d’œil étincelant, passionné à M. de Plouernel. Il va céder à de nouveaux transports et se jeter aux pieds de la marquise ; mais celle-ci l’arrête d’un geste, lui tend la main et ajoute, semblant dominer une émotion violente :

— Pas de faiblesse, mon ami ; oublions notre amour, ne songeons en ce moment suprême qu’au salut de la monarchie… Partez… les moments sont comptés… partez à l’instant !

— Victoria… de grâce… un mot encore…

— Les heures, les minutes sont comptées, vous dis-je… La reine et ses fidèles serviteurs vous attendent à Versailles… À cheval, comte… à cheval ! !… d’abord le devoir, l’honneur… et l’amour couronnera votre triomphe !

Ce disant, Victoria se dirige rapidement vers la porte, s’arrête un instant au seuil, fait un dernier geste d’adieu à M. de Plouernel, et disparaît en se disant :

— Pour terrifier la cour, pour paralyser ses criminels desseins par un intrépide défi… il faut que demain au point du jour, le peuple debout et en armes s’empare de la Bastille !


M. Desmarais, riche avocat au parlement de Paris, député par le