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le comte de plouernel, à l’intendant qui sort. — C’est bien… retirez-vous…

l’abbé morlet. — Eh bien ! messieurs, que vous disais-je ? réjouissons-nous, voici la guerre déclarée entre la bourgeoisie et le populaire… Béni soit Dieu… je n’espérais pas que l’hostilité commençât sitôt…

le duc. — Quelle guerre… quelle hostilité, l’abbé ?… vous parlez en énigmes…

l’abbé morlet. — N’avez-vous donc pas entendu les noms du comité permanent de l’Hôtel de Ville ?… Est-ce que tous ces noms et notamment celui de Flesselles n’appartiennent pas à la haute et riche bourgeoisie ? Est-ce que cette commission prétendue révolutionnaire a admis dans son sein un seul homme de la basse classe ? ou même de la menue bourgeoisie ? Non, non, vous le voyez déjà… les notables du tiers état craignent moins maintenant la cour que le peuple, ils veulent le refréner, le dominer, l’écraser s’il le faut, grâce à cette milice bourgeoise, qui deviendra une garde prétorienne… opposée aux masses populaires ; et bientôt la méfiance, la haine, divisant nos ennemis, feront éclater entre eux de terribles collisions, dont nous saurons habilement profiter.

victoria. — En présence des graves événements qui se préparent, vous devez, messieurs, passer de la parole à l’action… oui, il faut agir résolument, promptement, le temps presse… Comte… aujourd’hui… lors de votre visite à Versailles, vous avez dû être instruit des projets de la cour ?… A-t-elle prévu que la fermentation de Paris, enhardie par l’impunité, pouvait pousser les factieux à la révolte ouverte ?

le comte de plouernel. — Tout est prévu… tout est prêt, madame. J’ai reçu ce matin même communication des projets de la cour.

le duc. — Eh ! que ne parlais-tu plus tôt… comte…

le cardinal. — Vous nous laissez nous égarer dans des suppositions à perte de vue…