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prets et qui allons d’ordinaire grossièrement vêtus, nous n’avons point de ces soucis-là ; nous retrousserons nos manches jusqu’au coude, afin de faire rondement notre besogne et la vôtre… Une fois de plus, nous vous sauverons malgré vous, messieurs les gentilshommes !

victoria, à part. — Ah ! ce prêtre… ce prêtre… c’est le démon incarné.

le comte de plouernel. — Nous nous sauverons, nous, la monarchie et l’Église, par la grâce de notre épée, ainsi que par l’épée nous avons fondé la monarchie en Gaule et restauré l’Église catholique il y a quatorze siècles de cela, monsieur l’abbé.

l’abbé morlet. — Voilà, certes, d’héroïques paroles ; cette invocation à l’épée me semble d’un chevaleresque achevé… La vaillante noblesse marchera, j’y consens, contre les révolutionnaires… mais de qui sera-t-elle suivie, cette vaillante noblesse ?… Et, à ce propos, monsieur le comte, d’où vient, je vous prie, que vous avez aujourd’hui même résigné entre les mains du roi le commandement de votre régiment ?…

le comte de plouernel. — Eh ! l’abbé, vous le savez, de reste, mon régiment était devenu indisciplinable… le mal, d’ailleurs, datait de loin… Je n’oublierai jamais que le premier symptôme d’insubordination parmi les gardes-françaises remonte à environ deux années. Un sergent nommé, si je m’en souviens, Maurice… (Victoria tressaille)… oui, oui… c’est cela, Maurice eut, à cette époque, l’insolence de ne pas me saluer… et l’audace inouïe de lever la main sur moi, après que, dans ma juste colère, j’eus d’un coup de canne jeté à bas son chapeau… J’ai fait passer ce mutin par les verges… et, le croirait-on ? ce misérable était déjà possédé d’un tel esprit de rébellion et de superbe qu’au lieu de subir sa peine avec une respectueuse résignation… il est mort de male rage, tant ce drôle se trouvait révolté de ce châtiment !… Aussi, vous disais-je que les ferments de révolte remontaient bien loin.